Rappelons tout d'abord que le droit d'auteur est né au 18e siècle. La première œuvre couverte par le droit d'auteur fut la «Statute of Anne» en 1710. L'auteur de l'œuvre jouissait alors d'un monopole de 14 ans renouvelable une fois. En France, c'est à l'instigation de Beaumarchais, que le 9 décembre 1780 les droits des auteurs dramatiques sont fixés à 5 ans par un arrêt du Conseil d'Etat.
Progressivement les droits seront allongés pour atteindre dans la plupart des États signataires de la Convention de Berne, une durée de protection minimale de cinquante ans post mortem. En Europe, les législations sont harmonisées depuis le 1er juillet 1995, date d'entrée en vigueur de la directive européenne 93/98/CE, qui fixe notamment la durée de protection à 70 ans post mortem. La justification jamais vraiment clairement énoncée, est peut être dévoilée sur ce blog.
À ces 70 ans s'ajoutent : pour les œuvres musicales, des prorogations de guerre pouvant atteindre 14 ans et 272 jours, trente ans supplémentaires si l'auteur est « Mort pour la France ». Aux Etats-Unis un puissant lobbying a permis d'étendre en 1998 les droits à 95 ans... Et c'est au tour de l'Europe de se lancer à son tour dans le débat.
L’association finlandaise des bibliothécaires de la Bibliothèque nationale de Finlande, a appelé à signer une pétition a niveau européen (sa version en français) car l'équilibre est de plus en plus faussé entre le domaine public et les bénéfices que certaines sociétés tentent d'engranger.
Victor Hugo, en son temps avait écrit Le livre, comme livre, appartient à l’auteur, mais comme pensée, il appartient—le mot n’est pas trop vaste—au genre humain. Toutes les intelligences y ont droit. Si l’un des deux droits, le droit de l’écrivain et le droit de l’esprit humain, devait être sacrifié, ce serait, certes, le droit de l’écrivain, car l’intérêt public est notre préoccupation unique, et tous, je le déclare, doivent passer avant nous.
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Les compagnies qui poussent à l'extension de ce droit d'auteur ont sans doute une stratégie commerciale mais elles devraient plus s'intéresser aux théories des économistes : le professeur Rufus Pollock, de la faculté d’Economie de l’université de Cambridge, va en surprendre plus d'un dans ses conclusions dans un livre blanc publié en juin 2007, sous le titre "Forever Minus A day ? Some Theory and Empirics of Optimal Copyright". Concernant le niveau optimal de protection du copyright, quelles que soient les dispositions législatives, il défend la théorie selon laquelle il baisse naturellement avec la réduction des coûts de production et de distribution et a de toute façon tendance à baisser avec le temps. Son modèle empirique qui définit le niveau optimal de protection en fonction de plusieurs variables clés exogènes, conclue que la durée de protection optimale n’est que de... 14 ans !
Sources de l'info : Blog Memoire2silence, Blog Electronlibre, Ecrans.fr
9 réactions
1 De Memoire2Silence - 02/06/2008, 14:46
Merci pour la citation de mon blog... Cet allongement est évidemment problèmatique Silence
2 De Yannig - 02/06/2008, 16:31
Bonjour,
Merci à Guillaume d'avoir rappeler la présence de mon article.
Dans la problématique qui est en cours de changement il est purement question des droits des 'major'. Le droit des auteurs est bien loin des préoccupations. Comme il s'agit de nos ritournelles d'enfance voici une analyse que je vous livre: 1) auteur complet (parole, musique, interprétation, arrangements) le délai actuels est de 70 ans post-mortem et le producteur du cd, vinyl, etc. lui est protégé des copies pendants 50 ans. Dans la pratique vous noterez qu'en fait c'est l'auteur qui est piègé car il ne peut autoriser un autre producteur à produire ses œuvres.
2) auteur multiples là le problème se corse car chaque intervenant est protégé pour SA partie.
Il faut aussi se rappeler que dans ce cas le délais post-mortem démarre au décès du dernier intervenant. En effet il n'est pas rare que plusieurs personnes interviennent sur la partie musique ou paroles ou encore les arrangements.
Certains chanteurs crient au scandale de voir leur œuvres ils feraient bien de regarder quel est leur droit réel sur leur œuvre. En effet l'interprête n'est protégé que 50 ans. Au delà ce sont les droits de chacun des intervenants qui se mettent place. Une chanson dont le parolier est décédé en 1937 peut très bien se voir interprétée, en 2008, sur une autre musique que l'originale sans que rien ne s'y opppose et sans aucune violation.
Amitiés
3 De Guillaume - 03/06/2008, 07:45
Ce que je vois de dangereux dans ce changement, c'est que si on accepte de céder aux interprètes (sans aucun doute soutenus par leurs producteurs) pour passer à 95 ans, on ouvre la brèche pour que les éditeurs demandent à leur tour une extension... Bref ça donne l'impression que ces entreprises voudraient limiter le domaine public à ce qui est plus ancien que le 19e...
4 De Serbus - 04/06/2008, 00:13
À savoir : Bien avant la Convention de Berne de 1886, Edgar Allan Poe rencontre le 6 mars 1842 Charles Dickens qui est en tournée aux Etats-Unis, pour discuter de l'instauration d'un copyright international. Ils en avaient assez de voir leurs œuvres pillées et plagiées sur d'autres continents...
5 De Yannig - 04/06/2008, 20:08
Voici une page qui devrait éclairer sur la situation actuelle du droit d'auteur
http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droits/
Amitiés
6 De Patrick GEOFFROY - 27/06/2008, 17:12
Bonjour Guillaume
Toujours très utile de mettre ce sujet sur la table. Pour une liste yahoo et son forum, je veux mettre en ligne 12 planches d'un atlas astronomique édité par Kiessling et Compagnie en 1862. Mes renseignements disent que je peux mais l'éditeur était belge, alors , je m'interroge ?
7 De Guillaume - 18/01/2009, 09:02
Une proposition originale a été soumise par Lawrence Lessig, professeur à la Stanford Law School.
Il s'agirait de considérer les droits d'auteur comme les brevets. Ils ne seraient à priori valable que quelques années. Au bout de ces quelques années, l'auteur devrait payer une somme modique pour proroger ses droits.
Cela permettrait plusieurs choses :
a) de tenir un registre à jour des auteurs ou de leurs ayants-droits
b) de faire tomber beaucoup plus rapidement dans le domaine public tout un tas d'œuvres ne rapportant quasiment rien à leurs auteurs
c) de contenter les grosses entreprises comme Disney qui demandent un allongement des droits pour ne pas perdre leur poule aux œufs d'or.
d) d'éviter que cet allongement ne se propage à toutes les œuvres et bloque l'entrée des œuvres du 20e siècle dans le domaine public
Le système a aussi surement ses défauts, à vous de les trouver...
L'original de cette analyse se trouve sur http://query.nytimes.com/gst/fullpa...
8 De FranceGenWeBLog - 22/12/2009, 09:54
Du droit d'auteur (IIe)
Il y a 6 mois, nous nous faisions l'écho de la pétition lancée par la bibliothèque nationale de Finlande contre l'extension de la durée des droits d'auteur à 95 ans et lui opposions les conclusions du professeur Rufus Pollock, de la faculté d’Economie...
9 De FranceGenWeBLog - 14/05/2011, 15:57
Du droit d'auteur (IVe)
Dans les épisodes précédents de cet article, nous vous tenions au courant de la lutte entre droits d'auteurs et domaine public, certaines sociétés poussant à l'extension du droit d'auteur, et nous soulignons le peu d'organismes soutenant le domaine...