L'esclopièr

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Jusqu'à la moitié du XXe siècle, l'esclopièr ou sabotier a été un artisan prisé dans nos régions. Bourgeois, paysans, artisans, brassiers confiaient leurs pieds au sabotier et lui accordaient toute leur confiance tant pour la qualité que pour le confort.

Chaque village a son sabotier qui confectionne lous esclops ( les sabots ) de la communauté. Extraire chaussure à son pied d'un morceau de bois n'est pas à la portée du premier venu. Le sabotier est un artisan adroit, qui connaît " les caprices " des différentes essences et utilise una espleita ( un outillage ) relativement considérable.

Toutes les essences de nos régions peuvent être utilisées pour fabriquer des sabots, même le pin et le sapin. Toutefois, les arbres préférés sont le frêne, le hêtre, le tilleul, le noyer, surtout le bouleau à cause de sa légèreté.

Règle absolue : le sabot est toujours façonné à partir d'un bloc de bois vert, préalablement tronçonné à l'aide du torçadis ( passe-partout ) ou de la rassège ( scie de bûcheron). Pour éviter qu'elle ne se fende lors du creusement, la bille est débitée en deux ou quatre quartiers. Pour les arbres de faible diamètre, cette opération est inutile mais le sabotier devra oeuvrer avec douceur, d'une main légère, pour éviter tout éclatement intempestif.

Le sabot, chaussure saine, protégeait du froid et de l'humidité. Certains achetaient des sabots d'une pointure supérieure pour l'hiver car ils les garnissaient de paille ou de foin. D'autres y enfilaient des feutres ou des chaussons.

La fabrication était familiale. Pour vivre, le sabotier fabriquait 4 ou 5 paires de sabots par jour. Plusieurs mois de séchage permettaient au bois de durcir et il fallait toujours avoir un stock d'avance.

La gamme des produits

sabots tout bois
galoches avec dessus et talon de cuir
galoches montées avec une tige de cuir et des lacets pour la neige
socques pour femmes : sabots plats avec dessus cuir percé de trous
petits sabots vernis pour enfants.

L'atelier du sabotier

Outre les outils proprement dits, de dimension modeste, le sabotier dispose d'établis en bois. lou banc del paradoun (le plot ou support du paroir) : le plot ou support du paroirLa stabilité de l'établi est assurée par trois pieds. Il a été scié dans un tronc de chêne, au niveau d'une grosse branche qui, vaguement équarrie, sert de plateau sur lequel est enfoncé un anèl (anneau) pouvant se déplacer verticalement et pivoter selon un angle de 360°. Ce piton reçoit l'extrémité en U du paradoun (paroir). Grâce aux combinaisons des mouvements du crochet et de la boucle, le paroir peut travailler dans tous les plans horizontaux et verticaux : une petite merveille, supérieure à une articulation à cardan.

La surface du plateau présente des cotsas (encoches) destinées à assurer une meilleure préhension de la pièce de bois à travailler que l'ouvrier tient de la main gauche.

a : l'anèl (anneau) b : lou paradoun (le paroir) c : las cotsas (les encoches)

sabotiers du Cantal devant leur atelier

Des sabotiers du Cantal devant leur atelier. Les outils sont sur la porte. Le banc du paroir est différent.


lou banc per curar (l'établi pour creuser) : établiIl a des pieds supportant un tronc de pin dont le milieu et les extrémités sont équarris sur une longueur de 40 centimètres environ. De part et d'autre, trois trous cylindriques, ainsi que deux anneaux porte-outils, permettent le rangement du petit outillage. La partie médiane, en forme de large entaille, constitue une sorte d'étau à mâchoires fixes. Le serrage du sabot ébauché est assuré par un jeu de conhassouns (petits coins). Ces martyrs sont en bois très dur pour résister aux coups de malhè (maillet). Leur nombre est fonction de la largeur de la chaussure.

e : lei traucs ( trous porte-outils ) f : la cotsa ( l'encoche ) g : los combassouns ( les petits coins ) h : lei anèls (les anneaux)

Un sabotierUn sabotier creusant un sabot sur le banc à creuser.


lou banc de rafinar ( l'établi pour la finition ) : établi pour la finitionC'est un plateau bas monté sur trois pieds dont l'arrière sert de siège au sabotier. Un montant fixe, chevillé, de 40 centimètres de hauteur, présente à sa partie supérieure une cupule armée de quatre pointes sans tête. Vers l'avant, une mortaise crantée reçoit un bras, mobile dans un plan vertical grâce à un axe. Celui-ci prend appui sur deux crans opposés de la crémaillère, l'écartement étant donné par la longueur du sabot bloqué entre les mâchoires, talon vers l'arrière.

Le serrage s'effectue par action du pied sur une tige placée à la partie inférieure du levier. La partie supérieure de ce bras est garnie d'une série d'évidements permettant de travailler le bois dans diverses positions.

j : lou setge ( le siège ) k : la cremalhièra ( la crémaillère ) l : lou chagoun m : lou bras ( bras mobile, actionné du pied )

Les bancs servant d'établi étaient situés face à la fenêtre pour un éclairage maximum.

Par terre, les copeaux s'amoncelaient, isolant du froid les pieds du sabotier ; ils permettaient d'allumer ou de raviver les flammes de l'âtre. Quelquefois pendant la creuse, le dessus d'un sabot éclatait ; résigné, le sabotier le jetait au feu : un travail qui partait en fumée...

On pouvait voir au plafond, suspendus à de grosses pointes, les paires de sabots terminés.

Les outils

Les outils pendaient accrochés à des chevilles fixées au mur ou à la porte de l'établi, d'autres à une barre fixée entre deux poutres du plafond.

L'apchala - la hache.
l'armènetta - l'herminette (hache recourbée permettant de galber).
La tarière permet de percer le bois et ouvrir le chemin des cuillères.
La talonnière creuse l'intérieur du talon.
La rouanne et le boutoir creusent la pointe du sabot.
L'étalon (la bouro) graduée donne la pointure.
La griffe, en forme de gouge, sert à creuser la rainure pour clouer le cuir.
Le racloir, lame d'acier souple et affûtée permet la finition du dessus.
le paroir La rainette ou grattoir sert à lisser l'intérieur du pied du sabot.
la rainette Le paroir : longue lame d'acier tranchante accrochée par une boucle au banc ou billot ; le long manche de bois en équille permet de développer un important effet de levier pour sectionner, pour travailler sous différents angles et pour profiler les semelles. Il mesure 60 cm de long pour une largeur variant entre 7 et 10 cm.
le maillet
La tagoneira. Le doloire ou bûcheuse : sorte de hache à large tranchant ayant un manche déjeté à droite pour les droitiers ou à gauche pour les gauchers.
le doloire
Le maillet
La tarière et la cuillère
l'ariroun (tarière)
la culhièr (cuillère). Les cuillères de différents diamètres creusent l'intérieur du sabot.

Fabrication des sabots

Préparation des quartiers : le fût est scié en billes ou billots ; les billots sont fendus en quartiers à l'aide d'une hache au tranchant court et épais. L'artisan trie les quartiers et les range par paires.

Le sabot est d'abord dégrossi au doloire.

La fabrication

Quand la sole est bien d'aplomb, le sabotier accroche le paroir à l'anneau de l'établi : la semelle s'ébauche à chaque passage de la lame effilée. Des coupes verticales viennent délimiter le talon et la cambrure de la semelle se dessine. Seul le coup de poignet guide la lame.

Avec l'herminette, le nez est ébauché et l'entrée du pied dégagée en quelques éclats.

Les futurs sabots bien calés entre les taquets, le sabotier perce avec la tarière.

La cuillère creuse le talon puis s'enfonce pour faire le pied. Les deux sabots sont traités simultanément pour qu'ils soient semblables.

Le museau est fini au paroir, modelé tantôt large et saillant, tantôt relevé, parfois épanoui, ou rond, ou pointu. Chaque terroir a ses fantaisies.

Le grattoir permet de lisser l'intérieur afin qu'aucune aspérité ne vienne blesser le pied.

Les dernières finitions : rectifier les possibles retraits du bois, effacer toute trace d'outils.

Certains sabots sont complétés d'un dessus de cuir. Son dessus, raccourci, se vêt d'un aron ou d'une brida en cuir, plus souple, au contact moins rude. En altitude, les hivers neigeux obligent le paysan à inventer los esclops garnits, avec des houseaux de cuir, à laçage frontal, cloués sur l'empeigne et le talon. Parfois la semelle se hérisse de crampons taillés dans la masse, qui évitent les glissades.

Quelques artisans ornent le dessus de dessins sculptés à la gouge.

Il y a aussi les clients difficiles, qui souffrent de malformations du pied : tel a les orteils recroquevillés, tel autre des cors, un troisième le coup-de-pied sensible, ou des oignons. Qu'à cela ne tienne ! Le sabotier creuse, rectifie, à la demande. Après quelques essayages, tout un chacun trouve sabot à son pied. De la chaussure vraiment sur mesure, à la portée de toutes les bourses.

D'un regard, le sabotier évaluait la qualité de son travail.

Les sabots sont rangés au grenier pour les y faire sécher trois ou quatre mois, selon le besoin. Jamais on ne monte des pièces inachevées : sèches, il aurait été trop difficile d'en terminer la creuse.

Naissance d'un sabot

rondin un rondin de bouleau rondin équarri à la hache rondin équarri à la hache puis à l'herminette dégrossi au paroir dégrossi au paroir enfin creusé enfin creusé il peut recevoir une bride en cuir

pour la neige ou à laçage frontal pour affronter la neige semelles "morla" au talon et semelle en tôle fixée par des "tachouns"